Disposer d’eau courante chez soi, quoi de plus banal en effet… après tout, il suffit d’ouvrir le robinet… mais il n’en a pas toujours été ainsi, car l’eau courante n’est « arrivée » au village qu’en 1951 !
Houn det Pas dé Capber
L’eau et les contraintes environnementales
Comment les habitants faisaient-ils pour leur alimentation, leur toilette … ?
Une rapide plongée dans les archives du village nous a apporté des réponses étonnantes !
On pourrait croire en effet que Tilhouse ne manque pas d’eau car les précipitations n’y sont pas rares (1000 mm par an) et sa situation en contrebas du plateau de Lannemezan semble idéale.
Et pourtant ! Sa position sur une ligne de crête a aussi été une contrainte, notamment lors des épisodes de sécheresse qui se manifestent régulièrement, depuis au moins le XVIème siècle.
Sur cette crête, depuis le moyen-âge, les habitants ont été confrontés à une nécessité vitale :
- comment conduire cette eau, ces sources vers les fermes, le château, les prairies ?
- et comment la conserver, la stocker et la partager entre les habitants de la communauté ?
Les ressources en eau à Tilhouse, toute une Histoire !
1615, le partage des eaux
Le 2 janvier 1615, la communauté des habitants et le seigneur de Tilhouse Carbon de Barège expriment leur désir de réguler les eaux dans l’intérêt de tous, en canalisant l’eau, suivant la pente, d’est en ouest. Un accord écrit est alors conclu devant le notaire d’Asque :„[…] Sachant tous présents et advenyr que l’an de Grace mil six cens quinze le second jour de janvier lieu public après midy viguerie de Mauvoysin et régnant Louys et par devant […] noble Carboun de baretge, seigneur de Tilhouse, autre Carboun de Baretge, seigneur de Bulan, Bertrand abbadie et Arnaude Sompron, consuls, […et] les dicts tous manans et habitans du lieu de tilhouse faysant la plus grande et sayne partie des susdits habitants lesquels paysans ont faict […] et les dicts Sieurs, les accords et conventionnes qu’il s’ensuyvent : seront teneus de faire ung canal et a prendre l’eau du Ruysseau qui faict separaon du terroye de Tilhouse de
Capbern pour la mener aux fosses autour de l’église.“
Le canal en question est une prise d’eau en amont du ruisseau de Tilhouse qui prend sa source sur les landes, entre les lieux dits la Pradiole et la Gravette. Les fossés de l’église doivent être remplis avant que chacun, y compris le seigneur, ne puisse arroser ses prés. L’accord se veut équitable car les eaux sont partagées entre chaque pré, « tant le moindre que le plus grand ». Tous s’engagent alors à entretenir et réparer le canal.
1817, la légifération sur l’eau
Deux siècles plus tard, en 1817, de nombreux habitants constatent que les eaux sont mal utilisées, que quelques individus méprisent les anciennes coutumes et accaparent l’eau : ils craignent la destruction du canal.
Un règlement de huit articles est voté par le conseil municipal. L’eau continue à être « partagée en égales portions entre tous les chefs de famille, jour par jour et ainsi l’un de l’autre à perpétuité suivant cette règle », sauf pour le chevalier de Montesquiou Fezensac qui bénéficie d’une exemption pour ses terres en mars et en avril… Des amendes ou pignores furent mêmes prévues contre ceux qui détourneraient l’eau à leur profit ou qui refuseraient de participer au curement du canal !
XIXème siècle, les problèmes de sécheresse
Au XIXème siècle, le modeste fossé-canal ne suffit plus car « à la moindre sécheresse, la commune de Tilhouse est complètement dépourvue d’eau pendant une grande partie de l’été et de l’automne les habitants sont obligés d’aller chercher avec des barriques l’eau nécessaire à leur alimentation dans des ruisseaux très éloignés de la commune et d’y conduire leurs bestiaux pour les y abreuver ». Tilhouse ne dispose toujours pas d’un aménagement hydraulique alimentant le village.
Cinq fontaines dans le village
Borne fontaine
Plaque réservoir (adduction 1901)
En 1897, le conseil municipal projette alors de canaliser une source potable du lieu-dit La Gravette, aménagée en bassin-réservoir, pour alimenter cinq bornes fontaines (ci-contre) réparties dans le village. D’après les expertises et analyses de l’époque, cette source a le débit le plus élevé entre toutes les sources du village. Elle a aussi « une limpidité parfaite, nulle odeur et une saveur fraîche ». L’entreprise Oustau (Tarbes) est choisie pour les travaux et c’est par des coupes de bois et des prestations volontaires mais aussi par des cotisations que les habitants financent cet aménagement. L’inauguration de l’ouvrage au printemps 1901 fut un grand événement !
Pompe à la Pradiole
Depuis 1901, d’autres aménagements ont permis un accès à l’eau plus régulier et moins contraignant pour les habitants : en 1936, de nouveaux robinets sont installés sur les fontaines. Mais les habitants doivent encore se rendre « à la queue leu leu » entre 7h et midi à la fontaine rue de la Carrère, pour remplir un seau d’eau pour la journée. Après quoi le robinet de la source était fermé pour la journée afin de ne pas gaspiller l’eau du bassin réservoir.
Des fontaines … à l’eau courante
En 1949, de nouveaux abreuvoirs et fontaines sont envisagés car les besoins de la commune augmentent.
Ainsi, au début des années 1950, l’eau courante est installée peu à peu dans chacune des maisons et des fermes du village.
Aujourd’hui, l’eau potable provient de la source de Saint-Paul-de-Neste.
Les sources utilisées par le passé ont alors été délaissées mais pas oubliées ! Elles étaient encore fréquentées dans les années 1970 et certaines le sont toujours par les agriculteurs et les chasseurs. Leur débit est plus faible que par le passé en raison du réchauffement climatique et de la quasi disparition de l’enneigement sur les landes et le plateau de Lannemezan.
Ce retour … aux sources et ce chantier auront ainsi permis aux jeunes Tilhousains de (re)découvrir ce passé et de se réapproprier leur patrimoine !
Sources :
Archives départementales des Hautes-Pyrénées, Tarbes.
Témoignages oraux (voir entretiens réalisés lors du ‘chantier jeunes’)
Eléments hydrographiques de la commune de Tilhouse :
Le territoire de la commune de Tilhouse, située sur le flanc ouest du plateau de Lannemezan, se trouve en grande partie limité par des ruisseaux ou des rivières :
Plan des éléments hydrographiques de la commune de Tilhouse (réalisation : Yves Sordo)
Situation géographique de la commune de Tilhouse
Confluent entre l’Arros et le ruisseau de Tilhouse
- Le Ruisseau de Tilhouse au Nord et au Nord-Ouest avec les villages
de Capvern, Molère et Benqué. - L’Arros au Sud-Ouest et à l’Ouest avec le village de Sarlabous.
- L’Avezaguet sépare Tilhouse de Lahitte et d’Avezac au Sud.
- Enfin, le Bazor limite à l’Est, une autre partie d’Avezac.
Plusieurs sources ou résurgences donnent naissance à divers ruisseaux traversant le territoire comme le Clot de la Goute, la Goute de la Peyre, la Coustère, le Goutillou, le Rioutort ou le Ruisseau de la Coste…
Les différents lieux humides à Tilhouse:
- La Pradiole : aussi appelée La Laque (actuellement chez Gohier) était
un petit lac naturel où l’on faisait boire le bétail en rentrant des pâturages. C’est le lieu où naît le ruisseau de Tilhouse. - La Graouette (diminutif de Grauà) petit marécage.
- Las Palùtz : endroit marécageux.
- Les Mouras : lieu humide presque marécageux.
- Laquette de la Coustère : source du ruisseau de même nom.
- Mare de l’Eglise
Jeunes filles à la houn du Pas dé Capber
Autrefois, principalement deux sources ; Pas dé Capber et Spennacraba fournissaient l’eau potable des habitants. L’eau était transportée dans des cruches par des jeunes filles se rendant en bandes aux fontaines à certaines heures du jour. (Cependant, il existe de nombreuses autres sources à découvrir ici.)
Certaines résurgences étaient canalisées et l’eau récupérée dans des abreuvoirs rustiques (faits de troncs d’arbres…etc) et servaient à désaltérer les animaux. Tilhouse possédait alors 5 lavoirs et 8 puits.